Espagne : polémique autour d'une romancière à succès qui était en fait… trois hommes !

Publié : 22 octobre 2021 à 10h26 par Iris Mazzacurati

Jorge Diaz, Agustin Martinez et Antonio Mercero, alias "Carmen Mola"
Jorge Diaz, Agustin Martinez et Antonio Mercero, alias "Carmen Mola", reçoivent le prix Planeta
Crédit : Josep LAGO / AFP

Présentée comme une mère de trois enfants, l’auteure, récompensée du prestigieux prix Planeta, était en fait un trio masculin.

Les pseudos sont monnaie courante dans le monde de la littérature, mais cette nouvelle a laissé toute l’Espagne interloquée.

Un million d’euros pour une mère de famille madrilène en charge de trois enfants : voilà de quoi mettre du beurre dans les épinards. Mais à l’annonce du prestigieux prix Planeta, le prix littéraire « le mieux doté du monde », remis chaque année en Espagne, ce n’est pas une maman quadragénaire qui est sortie du bois, mais trois hommes, Jorge Diaz, Agustin Martinez et Antonio Mercero.

« Derrière le nom de Carmen Mola, il n’y a pas, comme dans tous les mensonges que nous avons racontés, une enseignante de lycée, mais trois écrivains, trois scénaristes et trois amis […], qui un jour, il y a quatre ans, ont eu l’idée folle de combiner leurs talents pour écrire une histoire ensemble », a commenté Jorge Diaz après la remise du prix.

La quatrième de couverture du deuxième roman de l’autrice, publié en France chez Actes noirs en avril 2021 – après un premier en février 2019 –, donnait un petit indice sur le secret qui a mis le monde littéraire espagnol en émoi : « Carmen Mola est le pseudonyme d’une Madrilène de quarante-cinq ans, mariée et mère de trois enfants. À la lecture du roman, on ne peut que constater qu’elle connaît Madrid comme sa poche. Pour le reste, rien n’est moins sûr… » La collection Actes noirs publie par ailleurs, depuis 2017, les romans de l’un des auteurs du trio, Agustin Martinez.

 

"le pseudonyme féminin (...) plus vendeur que le pseudonyme masculin » ?

 

L’écrivaine ne répondait aux interviews que par e-mail… Mais l’annonce a surpris tout le monde en Espagne, des lecteurs aux journalistes, et courroucé certaines féministes.

« Au-delà de l’utilisation d’un pseudonyme féminin, ces gars-là répondent à des interviews depuis des années. Ce n’est pas seulement un nom, c’est un faux profil qui a conquis les lecteurs et les journalistes. Escrocs », a tweetté l’écrivaine et militante féministe Beatriz Gimeno.

Les trois hommes se sont défendus d’avoir agi par calcul : « On ne s’est pas cachés derrière une femme, mais derrière un nom », a plaidé Antonio Mercero. « Je ne sais pas si le pseudonyme féminin est plus vendeur que le pseudonyme masculin, je n’en ai pas la moindre idée, mais cela ne me semble pas être le cas », a-t-il conclu.

Le calcul n’était pourtant pas si mauvais, la renommée de « Carmen Mola », qui rejoint avec le prix Planeta de grands noms tels que les prix Nobel Mario Vargas Llosa et Camilo José Cela, ayant largement dépassé celle de chacun des trois hommes qui en forment l’identité.

Faut-il désormais endosser le nom d’une femme pour garantir son succès littéraire ? Belle revanche pour Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, qui avait décidé, il y a près de 200 ans, de signer ses romans sous le pseudonyme « George Sand » pour garantir sa crédibilité littéraire…

 

 

(Avec AFP)