La forêt amazonienne rejette plus de carbone qu’elle n’en absorbe

6 mai 2021 à 7h00 par Jérome Pasanau

Des chercheurs tirent la sonnette d'alarme. Pour la première fois, une étude chiffrée, publiée jeudi, révèle que l'Amazonie brésilienne rejette plus de carbone qu'elle n'en absorbe.

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Crédit : Flickr

C’est un des derniers poumons de la planète, poumon agissant contre le réchauffement climatique. Et il est en train de basculer. La forêt brésilienne, victime du changement climatique et des activités humaines, a rejeté ces dix dernières années plus de carbone qu'elle n'en a absorbé. Ce basculement a été chiffré pour la première fois par une étude publiée jeudi 29 avril.

Sans ces forêts qui absorbent entre 25 et 30% des gaz à effet de serre émis par l’Homme, le dérèglement climatique serait bien pire, précisent les scientifiques. Mais depuis plusieurs années, ces derniers s'inquiètent d'un essoufflement des forêts tropicales. Ils craignent qu'elles puissent de moins en moins bien jouer leur rôle de puits de carbone. Et l'inquiétude vient notamment de la forêt amazonienne, qui représente la moitié des forêts tropicales de la planète.

L'étude, publiée dans Nature Climate Change par une équipe internationale, se penche plus particulièrement sur l'Amazonie brésilienne, qui représente 60% de cette forêt primaire, et le constat est sombre. Entre 2010 et 2019, cette forêt a perdu de sa biomasse : les pertes de carbone de l'Amazonie brésilienne sont environ 18% supérieures aux gains, a précisé dans un communiqué l'Institut français de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). « C'est la première fois qu'on a des chiffres qui montrent qu'on a basculé et que l'Amazonie brésilienne est émettrice » nette de carbone, explique à l'AFP l'un des auteurs, Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l'Inrae. Pour l'instant, a priori, « les autres pays compensent les pertes de l'Amazonie brésilienne » et ainsi « l'ensemble de l'Amazonie n'a pas encore basculé, mais elle pourrait le faire bientôt » poursuit-il.

L'étude met d'autre part en avant la responsabilité méconnue, mais majeure, des dégradations de la forêt. Contrairement à la déforestation qui fait disparaître la surface boisée, les dégradations incluent tout ce qui peut l'abîmer, sans pour autant la détruire totalement : arbres fragilisés en bordure des zones déforestées, coupes sélectives, petits incendies, mortalité des arbres liée à la sécheresse. Des atteintes moins facilement décelables que de grandes étendues rasées. L'étude conclut que ces dégradations de la forêt ont contribué à 73% des pertes de carbone, contre 27% pour la déforestation, pourtant de grande ampleur.