Au Chili, une trentaine de jambes humaines sont bloquées dans un aéroport.

Publié : 10 octobre 2025 à 14h33 par Ludovic Vilain

Crédit image: CC0 / Image d'illustration.

C'est une situation insolite qui dure depuis un an à l'aéroport de Santiago du Chili, la capitale du pays. Importées des Etats-Unis pour des raisons scientifiques, une trentaine de jambes sont bloquées sur place depuis un an.

Voilà une cargaison pour le moins inhabituelle qui se trouve en ce moment en souffrance dans les hangars de l'aéroport international de Santiago du Chili. Eh oui, là-bas ce ne sont pas les valises qui s'entassent à cause d'une panne de tapis roulant mais bien une trentaine de membres inférieurs, des jambes humaines en provenance des Etats-Unis et destinées à la base à la recherche scientifique. Mais après un an de stockage imprévu sur place, on peut se demander si cette marchandise hors du commun pourra encore être utilisée. En tout cas, le sujet agite les autoristés locales, sur place.

L'aéroport chilien est donc le théâtre d'une situation peu habituelle et qui, il faut bien l'avouer, peut provoquer quelques grimaces chez le lecteur. Une situation qui a débuté en septembre 2024 avec une importation pour le moins originale à la demande du Centre d'entrainement médical chirurgical, le CEMQ, un organisme spécialisé dans la formation et le perfectionnement des personnels de santé. Mais malgré sa commande très officielle, le chargement à base de jambes humaines n'a pas reçu l'autorisation de quitter l'aéroport de la capitale chilienne. Une situation ubuesque qui interroge forcément sur les raisons d'un tel blocage.

Des raisons qui sont à chercher du côté des autorités locales et notamment auprès du sous-secrétariat à la Santé Publique. Celui-ci a confirmé en effet que cette drôle d'importation en provenance de Etas-Unis ne pouvait pas passer la frontière et entrer dans le pays. Dans un message justifiant cette décision, il est précisé notamment que "la réglementation actuelle ne prévoit pas" l'importation des prélèvements de cadavres car "les corps destinés à l'enseignement et à la recherche doivent provenir des dons effectués au Chili". Le genre de message qui fait froid dans le dos à quelques semaines de Halloween. Mais l'affaire ne s'arrête pas là.

Face au refus des autorités sanitaires publiques, le centre privé à l'origine de cette importation a saisi la justice et aujourd'hui, cette drôle d'affaire est entre les mains de la Cour suprême, une première au Chili. Celle-ci devrait d'ailleurs rendre une décision d'ici la fin de l'année et permettre, peut-être, de livrer enfin cette cargaison très spéciale à son destinataire. A moins qu'elle ne décide d'un renvoi vers son expéditeur ... Mais si c'est le cas, dans quelles conditions ? En tout cas, et c'est à relever pour la compréhension du litige, dans sa plainte, le CEMQ ne mentionne pas si ces jambes humaines ont été achetées ou bien s'il s'agit d'un don. En effet, il arrive au Chili comme dans d'autres pays que les facultés de médecine utilisent des corps non réclamés provenant des morgues ou des hôpitaux. Parfois, elles peuvent aussi recevoir des dons de corps à la science, même si cette pratique reste rare, ce qui d'ailleurs est un problème pour la recherche scientifique.

D'après une étude chilienne qui date de 2019, la plupart des établissements d'enseignement supérieur du pays ont des difficultés à se fournir en matériel pour leurs laboratoires d'anatomie. Raisons invoquées à cette pénurie, le "faible nombre de dons" conjugué à la hausse du nombre de facultés de médecine dans le pays dans les dernières décennies. Une conjonction de facteurs qui poussent donc certains centres privés à se tourner vers l'étranger pour se fournir en matériel humain, comme cette trentaine de jambes qui font le pied de grue à l'aéroport, par exemple !